Édito n°1v2

Illustration Igor 16382

Édito du n°1 V2 de janvier 2025 de Claude Sicre

Quel fabuleux bonheur que d’être un militant occitaniste !

Très surpris quand, il y a quelques mois, Jacme et Patricia m’ont parlé de leur projet de reprendre la Linha Imaginòt pour une suite à leur manière de cette vieille aventure (elle a duré de 1990 à 2005). Heureusement surpris. C’est vrai que depuis l’arrêt de l’inestimable trésor qu’était le blog de Jean-Pierre Cavaillé, Mescladis e còps de gula, il n’y avait plus de lieu où puissent s’exprimer, sans contrainte de longueur, sans censure et sur tous les sujets possibles et imaginables relatifs à l’occitanisme, tous les lecteurs qui le désiraient. Une très grande œuvre que ce blog, certainement la plus grande et la plus intelligente de l’occitanisme contemporain, en matière d’organisation de la prise de parole disponible pour tous. Et, pour cette raison, trop méconnue, les historiens s’en rendront compte bientôt.

Au fil de conversation, déjà lancé, s’ajoute maintenant le projet de la revue imprimée (4 numéros par an, comme l’ancienne) qui aura la vertu de pouvoir se montrer et se vendre dans les étals de livres, se feuilleter, se lire et se prêter loin des endroits où l’ordinateur individuel règne en maître.

Nihil obstat, et, bien au contraire, pas qu’applauses. Enjoués.

Car c’est quand même un grand bonheur d’être un militant occitaniste! Au départ révolté contre une injustice, puis comprenant très vite qu’il n’y avait pas lieu de prendre les armes, ni de haïr qui que ce soit, juste à constater le gâchis, s’expliquer la longue installation de la pensée et de la politique unitariste, puis se lancer dans les fantastiques aventures poétiques, éthiques, civiques et politiques dont la déficience de l’État-nation France nous ouvre la carrière, à nous comme aux Bretons, aux Alsaciens, aux Savoyards et à toute la liste que vous savez, avec ces armes de vie que sont l’art, l’histoire, la science/les sciences, la littérature, le folklore, l’humour, lo joi, et leurs œuvres… Quelle belle vie ! D’autant que ces aventures sont pensées, menées, avec en perspective l’intérêt de tous, le bien public, et non celui de nos chapelles. Ce qui doit être le premier critère de toute action. Tous les Français souffrant de cet unitarisme, nous avons des millions d’alliés potentiels.

À mon avis, pour mener notre action, nous avons tous les atouts, et en premier celui de l’imaginaire, fruit de notre vieille expérience de mise à l’écart, qui vaut tout l’or du monde. C’est à contre-pied, et à contrechamp, qu’il faut prendre l’unitarisme francien, non sur son terrain miné. Je suis assuré que certains seront ravis lorsqu’ils pourront payer les impôts en langue occitane bien graphiée, de Limoges à Nissa, dès que la Charte européenne des langues sera enfin ratifiée : c’est une bataille juste, en bonne partie, mais il n’est pas sûr qu’elle apparaisse urgente ou même pertinente au plus grand nombre. L’urgence, pour nous, c’est la compréhension de ce qu’est l’unitarisme issu du centralisme, qui est notre premier adversaire, parce qu’il est, pensons-nous, l’amont caché de tous les autres dysfonctionnements de la société française, quand il se mêle à d’autres déterminations changeantes avec les époques. Mais nous n’avons pas réussi à en convaincre grand monde, jusqu’ici. La faute à qui ? Pas aux autres ! À nous-mêmes, qui n’avons pas assez, et pas assez bien, œuvré pour rendre nos idées claires. Il est vrai que nous voulons guérir, comme disait Félix Castan, «la maladie de la centralisation» qu’est le centralisme, revers de la médaille d’un très grand État-nation, un des plus anciens du monde et un des plus patiemment et méticuleusement bâti, justement, par la centralisation. Ce n’est pas rien. La Linha Imaginòt devrait servir à ce que nous devenions de meilleurs œuvriers, avec le sourire de Socrate quand il dansait, félix comme un laboureur.

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